jeudi 27 janvier 2011

Terrifiant: indemniser des nazis ?

Le parti d'extrême droite flamand, le Vlaams Belang, a proposé au Parlement belge une loi annulant l'ensemble des condamnations d'après-guerre pour collaboration et prévoyant d'indemniser les condamnés. La majorité des partis flamands ont soutenu cette démarche.

La proposition de loi prévoit d'effacer « tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d'actes d'incivisme prétendument commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 et instituant une commission chargée d'indemniser les victimes de la répression d'après-guerre ou leurs descendants pour le préjudice financier » Source: Rue89

Tout doucement, tout naturellement, en Europe même où le nazisme a sévi, des partis officiels évoluent donc vers le totalitarisme le plus immonde en commençant par effacer les traces de la collaboration avec l'Allemagne nazie.

Je trouve ce phénomène inquiétant et terrifiant: le tabou qui a régné plus de cinquante ans est en passe de disparaître, laissant la place à une indifférence, voire une complaisance, envers le régime du Troisième Reich.

9 commentaires:

emile red a dit…

L'horreur.

Et si seulement ce n'était que chez les flamands, nous sommes enferrés depuis dix ans dans l'imaginaire du complot musulman par ceux-là même qui concourent à la montée de tous ces extrémismes totalitaires.

Et maintenant, il devient naturel de cracher sur un honorable résistant ou de vénérer un antisémite, les anciens collabos qui cachaient leurs ignobles méfaits ne craignent plus de les étaler sur la place publique

Je suis interloqué par l'admiration que génère la fille de son père auprès des gens les plus enclins à en être les victimes.

Avec le compérage des médias, le libéralisme détruit l'ensemble des repères sociétaux au point qu'à force de persuasion et de matraquage, de terreurs et de flemme intellectuelle, la population souscrit aux messages les plus abjectes sans sourciller.

Et nous savons depuis des lustres que le libéralisme est le meilleur allié de toutes les tyrannies.

Nous nous trompons formellement de peur et tout ce système participe à entretenir le "leurre".

Philippe Renève a dit…

Il fallait bien une justification philosophique présentable pour la politique consistant pour les nantis à organiser le monde à leur avantage, en réduisant notamment leur contribution à la solidarité nationale.
Il était alors normal et adroit de choisir un courant de pensée qui prône la liberté de l'individu par rapport à la société, et qui prétend libérer l'homme en supprimant tout ce qui peut freiner ses actions, c'est-à-dire les réglementations instaurées pour éviter la loi de la jungle et la domination des plus forts sur les plus faibles.
Le libéralisme, ou une perversion de cette doctrine (j'avais là-dessus écrit un article sur Agoravox, qui avait été âprement combattu), a donc été mobilisé pour justifier ce que rien d'autre ne permettait de défendre: la mise de la société en coupe réglée par les puissants.
Impôts diminués pour les plus riches et augmentés pour les plus pauvres (« la TVA sociale » et l'épargne retraite et dépendance forcée s'y ajouteront sans doute un jour), services publics sacrifiés, solidarité battue en brèche dans la protection santé et la protection sociale, ce sont les résultats de cette politique qui est faite par les nantis pour les nantis.
Dans ce cadre de permissivité égoïste érigée en dogme, qui peut seul permettre à la fois ces mesures et la course effrénée à la consommation comme moteur du profit, la définition du comportement idéal de l'homme et du citoyen comprend nécessairement un volet ultraindividualiste et antihumaniste. Il passe donc par la relativisation et le nivellement des idées, des idéaux et des goûts; pourquoi interdire l'expression de la pensée totalitaire dans un système qui repose sur la liberté individuelle justifiant les inégalités ?
Toute pensée est bienvenue, à condition qu'elle ne vienne pas à l'encontre des intérêts des dirigeants. Tout se vaut, tout est permis car rien ne doit être interdit dans la course qui justifie la victoire de ceux qui avaient déjà gagné avant le départ. Entre autres conséquences, des factions fascistes (mais pas des idées socialistes révolutionnaires) pourront donc s'exprimer de plus en plus librement, tant qu'elles ne s'attaquent pas aux privilèges des modernes maîtres de forges. Ils se sont du reste toujours fort bien accommodés des régimes dictatoriaux de droite, du franquisme à Pinochet en passant par Hitler et les colonels argentins, à qui ils ont été étroitement associés pour des enrichissements conjoints.

Anonyme a dit…

Salut Philippe,

C'est une mauvaise nouvelle, mais qui ne fait que confirmer un fait inquiétant, la montée du populisme en Europe et aux USA. Je lis pas mal en ce moment, je pense m'exprimer plus en détail sur ce sujet dans quelque temps.

Philippe Renève a dit…

Salut Wald

Oui, mais tu nommes populisme ce qui est une franche remise en cause de la condamnation du fascisme, et donc un pas vers sa réhabilitation. Le terme de populisme est faible, ne crois-tu pas ?

Cela dit, je ne sais pas comment nommer cette tendance: extrémisme de droite, révisionnisme ? il y a un peu de tout ça, dans un mélange terrifiant.

Buster a dit…

Je viens ici pour la première fois, je lis ce texte, que j'ai retrouvé ailleurs.
Apparemment à chaque nouvelle législature le Vlaams Belang tente de faire passer son texte en lecture, rien de nouveau même si assez insupportable.

Mais en dessous, dans deux commentaires, je lis :
"...nous sommes enferrés depuis dix ans dans l'imaginaire du complot musulman par ceux-là même qui concourent à la montée de tous ces extrémismes totalitaires."
"...Et nous savons depuis des lustres que le libéralisme est le meilleur allié de toutes les tyrannies."
"Il fallait bien une justification philosophique présentable pour la politique consistant pour les nantis à organiser le monde à leur avantage, en réduisant notamment leur contribution à la solidarité nationale."
????

Etes-vous bien certains de bien parler de la même chose, de ne pas dériver dès la première ligne de votre commentaire vers vos lubies à vous, de ne pas faire un mélangi-mélangea de tout et surtout de n'importe quoi ?
Que le Vlaams Belang soit libéral sur le plan économique, OK.
Qu'il soit d'abord Flamand, que cette initiative "originale" puisse s'inscrire dans une histoire locale compliquée et nourrie de ressentiments qui nous dépassent, à moins que vous ne fussiez belges, ne vous est-il pas venu à l'esprit ?
Vous n'auriez pas, par hasard le sentiment de faire de l'amalgame en veux-tu en voilà, avec une truelle, une pelle, une grosse benne bien lourde et bien remplie ?
C'est étrange, ce blog dont je connais tous les intervenants, annonce une drôle de couleur, aussi vilaine que celle qu'il voudrait dénoncer, la même en fait.
Le miroir quasi parfait d'une parfaite bien-pensance aveuglée dans ses éternels partis-pris et incapable de faire la part des choses.
Amusant !
Très amusant.

Philippe Renève a dit…

Bonjour Buster

C'est tenter de prendre un peu de recul que de relier les événements à de grandes tendances politiques et sociologiques. Il me semble qu'il est dans la logique de « l'ultralibéralisme » de tolérer les expressions extrémistes à la condition qu'elles ne viennent pas combattre les pouvoirs qui l'appliquent, en le disant ou pas.
C'est la raison, me semble-t-il, pour laquelle cette revendication du Vlaams Belang peut être exprimée, apparemment sans soulever une réprobation générale de la société et des politiques.
J'essaie ainsi d'interpréter cet événement inouï depuis plus de soixante ans: une demande de réhabilitation et d'indemnisation des collaborateurs de la dernière guerre mondiale.
Je ne crois pas qu'il y ait des dérives là-dedans: tenter d'expliquer des choses étonnantes à la lumière des grandes tendances ne relève pas de l'amalgame ni d'un « méli-mélangea » mais de la simple recherche des causes de choses surprenantes.
Mais tu es le bienvenu pour porter la contradiction. Il ne s'agit surtout pas ici de se réunir pour danser une danse magique tous ensemble mais pour discuter et pour confonter des opinions. Donne-nous ton explication sur cette tolérance toute nouvelle vis-à-vis de la collaboration et nous débattrons tous ensemble.
Ce blog, Buster, n'a pas de drôle de couleur. Il n'a même pas de couleur du tout, et voudrait bien être plus multicolore que rutilant. Mais si la critique est permise et même bienvenue, c'est bien sûr à la condition qu'elle apporte une autre vision que celle qu'elle dénonce et fasse ainsi avancer choses et esprits.

Philippe Renève a dit…

Tu parles de « bien-pensance aveuglée dans ses éternels partis-pris et incapable de faire la part des choses. » Précisément, tenter d'expliquer des événements épars et ponctuels en les rattachant à des grandes idées philosophiques et politiques n'est pas « faire la part des choses » Ce que tu nommes ainsi est du domaine de l'anecdotique, de l'évidence, qui n'explique rien sinon des causes de surface, des motivations apparentes qu'il faut tenter de dépasser.
Ainsi pour cet événement, on peut bien sûr trouver des raisons géographiques, historiques, en Belgique avant, pendant et après l'invasion nazie. Mais le fait que cette demande de partis officiels soit tolérée et passe presque inaperçue en Europe doit nous faire réfléchir à des causes plus générales et profondes: si on se pose la question du pourquoi de cette tolérance des médias et des politiques, on ne peut qu'entrer de plain-pied dans une analyse politique et philosophique.

emile red a dit…

Salut Buster,

Je n'ai pas l'impression d'avoir de lubie, je ne m'appuie que sur des faits.

Depuis dix ans, les nations, et toutes sans exception, sont amenées à considérer les évènements d'une façon segmentée non circonstanciée pour, paradoxalement, servir la globalisation.

Nous n'apprenons plus à faire la part des choses mais nous déterminons nos convictions en conséquence d'un fait, d'une idée ou d'une pensée ponctuelles pour lesquels nous ne sommes plus aptes, par capacité ou par négligence, à reconstruire les liaisons.

La résultante est qu'il n'y a plus de méthodologie rationnelle et que la structuration de la réflexion en sort totalement désordonnée.

Nous ne sommes plus capables de comprendre les spécificités et les effets d'une pensée, alimenté en cela par une dénaturation du langage et l'abandon des notions de priorité.

Ce qui se passe en Belgique, ne peut s'analyser uniquement comme un incident local ou ethnique, il est la conséquence d'une longue histoire qui n'est en rien particulier à la Flandre, les mêmes phénomènes sous différentes apparences adviennent partout en Europe et une des raisons qui permet cette expansion vient, assurément, du déplacement de la vigilance vers d'autres centres d'intérêt bien moins questionnants et surtout moins dérangeants.

Je vais faire un parallèle qui va en heurter certains mais par exemple, il est constatable que les dégâts de l'islamisme, en France, sont ni probant, ni démontrable quand les victimes du Médiator font des dizaines de victimes, or, si beaucoup s'accordent à voir le danger de l'islamisme à travers l'entière sphère musulmane, personne ne remet en cause le capitalisme et son alter ego le libéralisme personnalisé par Servier.

Quand je vois des féministes se ranger aux côtés de l'extrème droite pour combattre le sexisme de l'islam, ce n'est pas de la bien pensance de critiquer cette attitude, encore moins de la conciliation avec l'islam, mais tout simplement une lecture de ce qu'est l'extrème droite par ce qu'elle a été et ce qu'elle restera. C'est une duperie monumentale que de croire que l'idéologie disparaît derrière les mots ou les attitudes, le Vlaams Belang nous en donne une preuve cinglante.

Alors quand je lis "Le miroir quasi parfait d'une parfaite bien-pensance aveuglée dans ses éternels partis-pris et incapable de faire la part des choses.", je me demande, inquiet, qui est aveugle, qui est bien pensant, qui sait faire la part des choses sans aucun partis pris ?

Et là ce n'est pas amusant, trop de légèreté ne fait pas rire.

PS : Je suis originaire des Flandre... d'Antwerpen pour être précis... où vit 80% de ma famille restante qui originalement ne travaille pas dans le diamant...

Philippe Renève a dit…

Je revois ce fil de commentaires longtemps après.

Une chose y est frappante. Buster écrit :
« Apparemment à chaque nouvelle législature le Vlaams Belang tente de faire passer son texte en lecture, rien de nouveau même si assez insupportable. »

Tout est dans le « assez ».