lundi 3 novembre 2008

La maison de l’indicible horreur


ême si ces lignes ne sont jamais lues, il faut que j’écrive ce qui se passe.
Hier, jour de Toussaint, en me promenant dans le quartier de ***, j’avais remarqué une épouvantable odeur qui sourdait de cette maison, une bicoque à demi démolie au milieu d’une friche, un terrain vague en bordure de la voie désaffectée. Une odeur étrange car elle évoquait à la fois la chair en décomposition, comme ces remugles que les charognes dégagent, et l’œuf pourri, le soufre en somme, mais avec une telle combinaison des deux senteurs que l’ensemble était à la limite du supportable ; tout pour éloigner de cet endroit.

Je ne suis guère attiré par ce genre de chose – il y faudrait un considérable masochisme –, mais ce caractère unique de l’odeur, quoique ignoble, me fit m’intéresser au lieu : quelle abomination, carnée et corrompue sans doute, pouvait bien produire une telle horreur ? M’efforçant de respirer seulement par la bouche mais nauséeux à l’idée qu’elle était traversée par cet air malsain, je fis quelques pas dans le petit terrain qui entourait la construction. Des gravats épars, des immondices de toutes sortes, des broussailles folles m’empêchèrent d’approcher de la porte, un simple assemblage de planches qui ne fermait plus. Mais je vis alors dans son embrasure une lueur bleuâtre suintant de l’intérieur en vacillant, en ondoyant comme un liquide épais, et qui semblait venir vers moi ; au même instant, je crus entendre des cris inarticulés de terreur panique semblant sortir du sol lui-même.
J’avoue que je pris peur et que je m’enfuis sans demander mon reste.

La soirée et la nuit me furent difficiles. Je ne crois pas le moins du monde à l’au-delà, aux sorcelleries ni à toutes ces stupidités lovecraftiennes, mais ces événements m’avaient terriblement secoué. Après avoir vainement cherché le sommeil toute la nuit, je résolus au petit matin de retourner sur les lieux avec un appareil photo et un carnet de notes où je viens d’écrire ces lignes. J’ai aussi laissé un message sur mon répondeur expliquant où je me rendais.
Me voici maintenant devant cette maudite baraque. Plus de lueur. J’arrive enfin à la porte ; je la pousse et entre. L’odeur est ignoble, je rends tripes et boyaux. Et voici des croassements, des mugissements ; je ne vois rien qui explique.
Mes cheveux sur la nuque se dressent : c’est donc vrai. Les cris sont abominables, on dirait des nouveau-nés qu’on bat. C’est épouvantable.
Que des gravats terreux, de la poussière, des saletés sanieuses. Ma raison vacille. Sont là Haborym, Gamycyn, Belaam l’Inconnu, Astaroth peut-être. Pas de réponse, pas d’être mais le vivant de la pourriture.
Des hordes défilent soldats sans têtes le sang des esclaves bouillonne sur les dalles souillées. Le goût de l’abominable sur la langue tranchée. La fin de la peur sous la menace mortelle. Et partout cet amer.
La lumière rouge sang atroce vient de la cave. Escalier. Ma lampe.Vite.
Je suis tombé et assommé. Me relève, plus de bruit ni de lueur. Calme.
Je prends le temps de mieux noter car la chose est étrange : est-ce que j’ai rêvé ? Tout est normal dans cette cave, ravagée sans doute par des squatters, sentant la moisissure et le champignon comme toute cave ancienne. Encore étourdi, j’explore avec ma lampe cet espace assez vaste.
Des bouts de vêtements, des cartons éventrés, des journaux froissés en boule, des boîtes de conserve béantes indiquent que des gens ont habité un moment l’endroit ; pauvres malheureux. Il reste une table debout, tout au milieu.
Sur la table, un vieux journal. Je note. Curieux nom : « Libération Nationale ». Date : 2 novembre 2012. Titre : « Les jeunes filles méritantes reçues par le Président Nicolas Paul Sarkozy de Nagy-Bocsa ».
Hurle
Ma tête
Je ne peux pas supp

Extrait du Courrier de Chenôve du 4 novembre 2008.
« (…) Selon les premières constatations, l’homme retrouvé sans vie dans cette cave après l’incendie qui a détruit la baraque a probablement succombé à une crise cardiaque consécutive à une grande frayeur, comme en témoigne la terrible expression de son visage. Il tenait entre ses mains des feuillets manuscrits que la police se refuse à divulguer pour le moment.

Suivant une source proche du dossier, le Procureur de la République de Dijon invoquerait des motifs de "sécurité publique". »

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