lundi 31 janvier 2011

Une affaire terrible: un trafic massif d'enfants en Espagne ?

Une plainte vient d'être déposée par une association (Anadir, Association nationale des victimes d'adoptions illégales) au nom de 261 familles, concernant ce qui ramène à des pratiques moyenâgeuses: un trafic d'enfants qui aurait eu lieu sous le franquisme et jusque vers 1995.

Sous la dictature franquiste, les bébés étaient « surtout volés pour des raisons politiques, à des femmes républicaines » et l'objectif « n'était encore pas de faire de l'argent », selon l'avocat de l'association. Un décret de 1940 permettait au régime franquiste de retirer les enfants à leurs parents si leur « éducation morale » était menacée. Trente mille enfants auraient ainsi été enlevés à leurs parents pour des raisons idéologiques.

Mais à partir des années 1960, c'est l'appât du gain qui aurait amené des médecins, des religieux et des cliniques privées à se livrer à un terrifiant trafic: les bébés étaient le plus souvent déclarés morts à leurs parents, souvent d'origine modeste, et proprement vendus à des familles aisées moyennant finances.

Anadir a été créée par un homme de 41 ans qui a découvert en 2008 que son acte de naissance avait été falsifié et qu'il n'était pas l'enfant biologique de ses parents, comme un test ADN l'a montré. Depuis lors, se sont manifestés en nombre des enfants qui pensent avoir été volés ou des parents dont l'enfant a été déclaré mort sans qu'ils voient jamais son corps. Des estimations conduiraient au nombre terrible de 300 000 enfants qui auraient pu être ainsi vendus.

L'affaire vient maintenant devant la justice, même si pour les cas les plus anciens une prescription pourrait s'appliquer. Elle commence à faire grand bruit en Espagne.

On croyait ce genre de crime révolu depuis des siècles dans nos pays « évolués »; l'appétit du lucre n'a hélas pas d'époque ni de limite dans l'ignominie.

Sources: AFP, Rue89, The Guardian.
Remerciements à Laurent qui a signalé la nouvelle.

dimanche 30 janvier 2011

Une confirmation: les salaires ne suivent plus la croissance

Deux sénateurs, un UMP et un P.S., viennent de rédiger un rapport intitulé Prospective du pacte social dans l'entreprise. Il fait le point sur l'évolution et les perspectives des relations dans les entreprises sur les plans économique, juridique et social. La lecture de son résumé est déjà instructive: si les tendances actuelles se poursuivent, « les conflits de répartition continueraient à se résoudre au détriment des rémunérations salariales », « le management exercerait des tensions renforcées sur le travail » et « l'effritement du droit social du travail s'amplifierait ».

Il confirme clairement que dans la société française le salariat est défavorisé depuis des décennies et que cette évolution ne fait que s'accélérer.

Nous en tirerons seulement un tableau, qui est révélateur de cette tendance: il montre bien que les salaires ont été très loin de suivre la progression de la valeur ajoutée, c'est-à-dire de la croissance de l'économie, surtout depuis les années quatre-vingt.


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jeudi 27 janvier 2011

Terrifiant: indemniser des nazis ?

Le parti d'extrême droite flamand, le Vlaams Belang, a proposé au Parlement belge une loi annulant l'ensemble des condamnations d'après-guerre pour collaboration et prévoyant d'indemniser les condamnés. La majorité des partis flamands ont soutenu cette démarche.

La proposition de loi prévoit d'effacer « tous les effets des condamnations et sanctions infligées du chef d'actes d'incivisme prétendument commis entre le 10 mai 1940 et le 8 mai 1945 et instituant une commission chargée d'indemniser les victimes de la répression d'après-guerre ou leurs descendants pour le préjudice financier » Source: Rue89

Tout doucement, tout naturellement, en Europe même où le nazisme a sévi, des partis officiels évoluent donc vers le totalitarisme le plus immonde en commençant par effacer les traces de la collaboration avec l'Allemagne nazie.

Je trouve ce phénomène inquiétant et terrifiant: le tabou qui a régné plus de cinquante ans est en passe de disparaître, laissant la place à une indifférence, voire une complaisance, envers le régime du Troisième Reich.

mercredi 26 janvier 2011

Le hêtre

Si les arbres sont souvent d’une personnalité discrète, il en est qui manquent singulièrement de modestie. Certains par leur seule constitution, particulièrement visible l’hiver où les feuilles, qui autrement arrondissent leur forme et leur donnent un aspect finalement débonnaire, ne masquent pas le tronc et les branches dont la force et l’ordonnancement apparaissent pleinement.
Il est possible, en cherchant bien, de trouver dans les Préalpes du Sud certain fond de vallée à qui une belle harmonie confère un charme peu commun. La prairie entourée d’arbres monte lentement, procurant au début du printemps un asile aux ophrys araignées et à un parterre d’orchis bouffons écarlates ou à peine rosés; jusqu’à quelques orchis brûlés à demi dissimulés dans un buisson. Dans la partie droite, où se termine la forêt et qui est le plus en contrebas, un vieux chemin forestier longe un lit de ruisseau jusqu’à une maigre source vaguement captée. Là, seules les feuilles mortes et une terre noire apparaissent; cependant, à un certain moment, ce sol s’illumine des touffes étalées des grandes fleurs jaune pâle de la primevère commune. Quelques coucous essaient bien d’apporter un ton plus foncé, mais au long des années, le vent et les insectes les ont hybridés du pollen des primevères claires qui étendent ainsi leur colonisation. En ce lieu les oiseaux sont partout, que ce soit par quelques sifflements discrets et cris d’alarme comme les mésanges, ou par des vols silencieux d’un buisson à l’autre entrevus du coin de l’œil.
Or, tout cet endroit est commandé par un arbre. En arrivant, si le promeneur tourne la tête à gauche et lève le regard, il aperçoit, au haut d’une pente assez raide, un hêtre, dénudé à cette époque, se détachant de l’orée de la forêt. Les repères manquant, sa taille n’appelle pas spécialement l’attention; son port en revanche est remarquable. Le désordre apparent de l’élancement des branches se révèle bientôt être le produit d’un strict agencement, qui a l’étonnante harmonie des organisations naturelles tendant vers une plus grande efficacité. Ainsi, bien que de tailles et de directions différentes, les branches se terminent de telle manière que leurs extrémités constituent une courbe régulière donnant au contour de l’arbre, qui est sa personnalité lointaine, une particulière élégance.
La montée s’effectue au début par quelques banquettes herbeuses séparant des pentes où la progression est rendue délicate par le souci de ne pas écraser les ophrys araignées. Ce cap franchi, il est naturel de relever la tête pour prendre la mesure du terrain restant à parcourir jusqu’à l’arbre. C’est alors qu’il apparaît réellement: moins haute, plus proche, l’image qu’il fournit est plus conforme à sa nature véritable.
Sa stature étonne presque plus par son envergure que par sa hauteur; même en l’absence de feuilles, son sommet n’est d’ailleurs guère visible sans prendre un recul suffisant en restant au niveau de la base, ce que le terrain ne permet pas vraiment. Sous son pourtour, le regard se perd dans un entrelacs qui semble appliqué à plat sur le ciel; l’impression de perspective disparaît presque, seul le tronc et les branches maîtresses, par leur rétrécissement progressif, procurant à l’œil l’indication de distance qui manque ailleurs.
En s’approchant encore, le pied rencontre des faînes, des restes de feuilles, des brindilles de toutes tailles et des pousses toutes récentes, seulement formées d’une courte tige supportant deux feuilles ondulées en éventail, encore repliées l’une contre l’autre. La lumière devient rare; l’herbe, déjà courte et maigre, a disparu; la terre se montre à nu et laisse surgir les racines, ce qui rend la présence des branches plus insistante.
Ici se trouve un lieu étrange, entièrement habité par le hêtre et qui se confond avec lui au point que la terre n’est plus sol mais racines, l’air n’est qu’un lien entre racines et branches, et la lumière n’est que l’ombre de l’arbre. Le ciel n’existe pas ici, car les branches organisent l’espace jusqu’à l’infini, qu’elles suppriment ainsi, et absorbent les nuages dans leur construction. L’impression en ce lieu n’est pas d’être sous des branches, mais dans un univers clos – dans l’arbre.


Merci de me donner vos appréciations et commentaires au salon.

samedi 22 janvier 2011

La gauche que nous voulons (paru dans Marianne du 22 janvier 2011)



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