mercredi 19 décembre 2007

Création du plus important parti politique de ces trente derniers siècles

Pierre Dac et Francis Blanche ont fondé le glorieux Parti d’En Rire, et son merveilleux exemple rayonne encore de mille feux pour l’édification des jeunes générations et des toilettes publiques. Il me semblerait aussi prétentieux qu’irrévérent d’envisager d’adhérer à un aussi admirable regroupement de génies immortels mais défunts.
Aussi me permettrai-je de proposer à l’asssistance publique la création originale et artistique d’un Parti d’Henri Revitt.
Henri Revitt, rappelons-le pour nos plus jeunes amis d'internet, né coiffé en 1897 et mort de rire en 1983, fut le précurseur de la pince à linge chantournée à l’herminette. Son admirable découverte, qu’il a passé une vie à perfectionner jusqu’à l’objet magnifique que nous connaissons, a enchanté des générations de lavandières, de ménagères et de faux monnayeurs.
Afin de lui rendre l’hommage que son glorieux apport à l’humanité mérite bien, je suggèrerais donc, pour peu qu’on m’y poussât un peu, que nous fondassions, comme dit l’architecte, un parti portant son auguste nom et contribuant encore à la diffusion de sa pensée à travers le monde vaste et divers. Dans un souci constant de malhonnête autopromotion et de condescendance altière, je me confère ce jour la dignité de Grand Membre Fondateur, qui est et restera le plus haut grade dans l’institution, et c’est comme ça.
Qui aime Henri Revitt me suive.
____________


Avis cruciforme


Une intense réflexion
solaire est
menée
afin de définir le
programme, les
statuts et les statues
équestres du parti dans les tout prochains jours. Néanmoins,
les
inscriptions spontanées, cotisations confortables et
bénévolats divers
sont déjà et d'ores reçus sur ce blog;
veuillez laisser un
message après
le bip
sonore. Si vous
n'entendez pas le
bip, glissez votre
chèque dans la fente
et courez vite acheter
un appareil auditif.



jeudi 13 décembre 2007

Chômage, productivité et désentreprise

En quelques décennies, les économies occidentales sont passées d'un idéal de société de plein emploi (les utopies socialistes et libérales) à une fatalité inéluctable d'une société où le chômage est une constante supportable comme l'inflation ou la pluie du ciel : les entreprises, même bénéficiaires, en partie en raison de la mondialisation, embauchent le moins possible et tentent sans cesse de réduire leur emploi.

Productivité et emploi

Les gains de productivité ne se font plus essentiellement par le progrès technologique permettant de produire plus au même coût, mais par une organisation de la production tournée vers l'économie de main-d'œuvre. Dans les secteurs des services où le traitement des fichiers clients et comptables est lourd (banque, assurance, administrations), l'informatique a permis de réduire les effectifs à production égale, sans que de nouveaux métiers soient créés; le solde en emplois est largement négatif. Dans une moindre mesure, la gestion automatisée des stocks et de la comptabilité a grandement amélioré les marges des commerces de grandes surfaces, en réduisant le personnel administratif.

Dans les secteurs de production physique (industrie), la concurrence internationale, souvent déloyale dans les pays émergents (salaires de misère, protection sociale inexistante, droits de l'homme bafoués), a conduit à délocaliser des pans entiers de l'économie, au seul profit des actionnaires et des consommateurs. Le paradoxe de cette situation est que les consommateurs ont un pouvoir d'achat croissant par la baisse des prix ainsi induite, mais que, leurs revenus étant moins élevés en raison du chômage accru, leur demande finale stagne ou baisse: il ne faut pas chercher plus loin les explications au marasme de nos économies. Les actionnaires en revanche n'ont qu'à se louer de ces opérations.

Management et désentreprise

A la suite de la recherche effrénée des profits à court terme, qui ne peuvent croître facilement que par des compressions de coûts, une culture s'est répandue chez les dirigeants et actionnaires: la recherche de l'effectif minimum, toujours revu à la baisse. Les premiers trouvent dans les plans de réductions d'emplois ou de réorganisation, voire de cessations d'activités, des justifications à leur rémunération parfois pharaonique, et les seconds ne peuvent que se féliciter de la hausse du bénéfice et du dividende par action. Notons au passage que la distribution de bénéfices s'est considérablement accrue ces dernières décennies, ce qui est bien le signe d'une politique à courte vue des entreprises: ces super-dividendes diminuent bien sûr d'autant les mises en réserve des bénéfices et, à terme, les investissements. Ceux-ci, en constante régression relative, font parfois place à des rachats de leurs actions par les sociétés, ce qui, en détruisant une partie de la richesse, est la négation même de l'esprit d'entreprise, sous l'indifférence générale.

Arrêtons-nous un instant sur cette incroyable destruction économique que représente une réduction de capital par rachat d'actions: des dirigeants, véritables tueurs de capital, font procéder, alors même que l'entreprise est prospère, à des achats – longtemps interdits – d'actions en vue de leur annulation. Cette opération, qui n'a pour but que de renchérir le cours des actions devenues moins nombreuses pour les mêmes benéfices et dividendes présents et à venir, est l'antithèse totale de l'esprit d'entreprise. Elle consiste en effet à la priver non seulement de capitaux propres, mais aussi de la capacité associée à emprunter pour financer sa croissance: dans bien des cas, racheter un million d'euros d'actions privera la société d'un ou deux millions d'emprunts possibles et donc de deux ou trois millions d'investissements.

Le credo est ainsi devenu non plus l'esprit d'entreprise, mais de désentreprise; non la croissance, mais la baisse des coûts. Non se développer, mais améliorer les bénéfices sans produire plus. De même, fermer ou vendre des unités de production moins rentables que les autres dispense de rechercher nouveaux marchés et croissance de l'activité, au détriment de la substance même de l'entreprise. Il s'agit là du reniement de l'entreprise par les décideurs eux-mêmes, avec l'approbation des actionnaires dont le raisonnement à courte vue joue contre les intérêts à long terme de la société.

Le chômage, peste commune

Ces politiques de stock minimum en matière de ressources humaines ont pour conséquence le développement accéléré de l'intérim, des contrats précaires et des embauches à court terme, détruisant un peu plus le tissu humain de l'emploi. Les CDI deviennent l'exception pour de nombreuses entreprises, en ne faisant que concrétiser à contrecœur des suites de contrats précaires. Il convient de noter que les pouvoirs publics, dans de nombreux cas, loin de lutter contre la précarité des emplois, la justifient, voire l'encouragent au prétexte de flexibilité, cheval de bataille des dirigeants d'entreprise aux effets humains catastrophiques. Il est vrai que l'humain n'entre pas dans leurs considérations.

Le travail devient non un luxe, mais une chance, une "opportunité" qui n'est pas ordinairement offerte à tous; chez les jeunes, les petits boulots, précaires, à temps partiel et mal payés sont souvent la règle pour les moins qualifiés et les plus récemment arrivés sur le "marché du travail" - quelle expression, maintenant habituelle. Même les diplômés, parfois très bien et longuement formés, doivent souvent subir cette phase d'antichambre de la vie professionnelle, passage obligé vers des emplois plus stables et moins mal payés.

Plus personne ne s'étonne que le chômage frappe un Français sur douze ou sur dix selon les calculs, que les plus jeunes ne trouvent pas de travail sérieux, que dans certaines banlieues-ghettos un jeune sur deux n'ait pas d'emploi.

L'ultralibéralisme, poison instillé goutte à goutte dans la gestion privée et publique de l'économie, affirme haut et fort que la recherche du profit et la déréglementation sont des conditions nécessaires et suffisantes au bonheur matériel de tous. Ces deux principes sont bien à l'origine de cette endémisation du chômage; une adroite communication a permis de le rendre psychologiquement et politiquement supportable, ce qui permet de ne plus avoir à chercher véritablement à améliorer la situation de l'emploi: qui irait à notre époque jusqu'à reprocher aux dirigeants d'entreprise de ne pas employer suffisamment de salariés, ou aux gouvernements de ne pas tout faire pour que chaque citoyen ait un emploi – simplement un emploi ?

L'ultralibéralisme est au libéralisme ce que la ploutocratie est à la démocratie. Mais l'ultrachômage n'est pas une antithèse du chômage: il en est la forme durable, entretenue et fatalisée.




mardi 11 décembre 2007

Les états d'âme de M. Sarkozy

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Réception de Kadhafi à Paris: la honte de la France

Soixante-neuf ans après la capitulation diplomatique des puissances démocratiques devant les nazis, M. Sarkozy n’a toujours rien compris.
Le poing levé de Kadhafi devant lui montre de façon manifeste que cette réception est une victoire pour lui et que la France, épicier complaisant vendant sa camelote à l’ex-proscrit, fait figure de vaincu. Le président français a accepté sans broncher ce signe qui possédait à peu près le même sens qu’un bras d’honneur au monde et à notre pays.
Le dirigeant libyen a acheté un peu de respectabilité pour dix milliards d’euros de commandes, prix de la complaisance de la France ; ce n’est pas cher payé, puisque la Libye aurait acheté ces biens tôt ou tard.
Mais, à l'évidence, pour M. Sarkozy, dix milliards de contrats compensent aisément quelques centaines de morts dans des attentats. Ce n'est pas du blanchiment d'argent sale, c'est du lavage d'argent sanglant.
Si le Zimbabwe avait autant de pétrole que la Libye, les entreprises françaises lui vendraient avions et centrales et Mugabe, levant le poing gauche au ciel, serrerait la main d’un respectueux Sarkozy sur le perron de l’Elysée.
N’entendez-vous pas des Lamartine, des Victor Hugo et des Charles de Gaulle se retournant dans leur tombe ?
Ce n’est pas Kadhafi à Paris, mais Sarkozy à Munich.

Il faut vite en rire, de peur d'avoir à en pleurer

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vendredi 7 décembre 2007

LES PHARES

Sachons-le une fois pour toutes: les chevaliers des temps modernes, les créateurs, les phares de la pensée d'un pays, les exemples à suivre par notre belle jeunesse, ce ne sont plus les artistes brillants, les écrivains lumineux, les poètes vibrants ou les chercheurs géniaux: ce sont les dirigeants d'entreprise, riches et jet-setteurs de préférence.
Une grande partie des Français ont connu une époque, bien révolue, où les ingénieurs, les médecins, les physiciens, les philosophes, les écrivains, les humanistes même, étaient admirés, constituaient les élites du pays et donnaient envie aux plus jeunes de suivre leur voie, celle de cet accomplissement personnel dans la connaissance profitable à tous. Ils étaient riches de savoir et de sagesse; les élus de la nation les recevaient, les honoraient et les montraient en exemple.
Au soir de son élection à la magistrature suprême et dans les jours qui ont suivi, M. Sarkozy a choisi de côtoyer ostensiblement les hommes les plus riches et les plus puissants, en les invitant ou en étant leur invité ; il a clairement désigné son camp et lui a montré combien il lui était attaché.
Les soi-disant représentants des prétendues élites intellectuelles, avides tout à coup d’autorité et de rupture libérale, ont pour la plupart, surtout les ex-maos, rejoint le giron du Chef, qui promettait monts, merveilles, missions officielles et hochets honorifiques, à condition qu’ils se tussent ou l’approuvassent discrètement. La place médiatique est libre pour ces Messieurs les plus nantis, qu’ils exploitent dans le BTP, le luxe bien français, le commerce intercontinental ou la distribution. Ils sont d’autant plus précieux au pouvoir qu’ils ont tous pris soin d’investir massivement dans les médias, afin de les contrôler financièrement et politiquement : il y a ainsi réciprocité de services.
Cette situation n’est pas sans rappeler celle de la fin du XIXe siècle, où le Comité des Forges faisait la pluie économique et le beau temps politique en France. Elle s’en rapprochera de plus en plus, puisque les mesures prochaines de destruction du Code du Travail, de la protection santé et de la protection sociale aboutiront à ce que toutes ces belles âmes attendent depuis cette époque : le retour à une société vraiment libérale, où chacun se bat sans solidarité ni union face aux coups de la vie ou aux pouvoirs économiques. Dans le système économique libéral, c’est la certitude pour les plus nantis de renforcer les inégalités à leur profit.

vendredi 12 octobre 2007

EXCLUSIF : LES NOUVELLES OUVERTURES


Après la nomination, maintenant certaine, de Monsieur Bernard Laporte au poste de « Secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, chargé de la Jeunesse et des Sports », les nominations suivantes sont envisagées par MM. Sarkozy et Fillon afin de mettre au service de la Nation des talents et des compétences reconnus, sans distinction de sensibilité ou de parti politique.
Monsieur Jean-Marie Bigard, Ministre d’Etat, Ministre de la Francophonie
Pour la haute tenue philologique et stylistique de ses écrits et sa contribution au rayonnement mondial de la France.
Monsieur Philippe Douste-Blazy, Sous-secrétaire d’Etat in partibus sans portefeuille
Pour ses remarquables études cliniques sur la psychanalyse de la trahison.
Monsieur Vincent Lagaf’, Ministre de l’Education nationale
Pour la magnifique pédagogie développée dans le jeu "le Bigdil" et l’exemplarité de ses animations raffinées auprès de la jeunesse.
Monsieur Pascal Sevran, Ministre des Affaires étrangères
Pour sa remarquable analyse des problèmes du Tiers-Monde et ses actions de communication pour amener la paix dans les foyers français.
Monsieur Doc Gynéco, Ministre de l’Economie, des Finances et du Budget
Pour son admirable contribution aux finances de l’Etat et son efficace soutien à la solidarité nationale.
Monsieur Franck Dubosc, Ministre du Tourisme
Pour la remarquable promotion des loisirs dans son film "Camping" et son souci d’une image prestigieuse des Français auprès de l’Etranger.
Monsieur Michaël Youn, Ministre du Travail et des Relations sociales
Pour son efficacité à assurer des relations humaines et sociales empreintes de cordialité et de sérénité.
Monsieur Steevy Boulay, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Pour son érudition sans bornes et ses immenses capacités de raisonnement.
Madame Loana Petrucciani, Ministre de la Défense
Pour ses remarquables capacités de défense du territoire.
En dehors du gouvernement, d’autres promotions vont intervenir :
Madame Danielle Gilbert, Porte-parole du Président de la République
Pour ses remarquables prestations télévisuelles à travers les âges et la grande qualité de son expression publique.
Messieurs Claude Allègre, Jacques Attali, Eric Besson, Jean-Marie Bockel, Bernard Kouchner, Jack Lang, Michel Rocard, Chargés de Mission auprès du Comité du Centenaire de la Révolution de 1917
Pour leur longue et méritoire action en faveur de la propagation du marxisme-léninisme.
Philippe Renève

mardi 2 octobre 2007

Nicolas Sarkozy chez les Bushmen


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dimanche 16 septembre 2007

Une lettre à Guy Môquet

Voilà. Ce que je voulais te dire n’est pas très facile. Mais je suis plus gêné que toi, c’est idiot. Excuse-moi si mes mots ne t’arrivent pas bien ; nous sommes un peu loin, maintenant.
Tu sais, la lettre que tu as écrite a bien été transmise ; ta mère a pu la lire. Je pense qu’elle a été fière de toi, mais ça a été dur. Ce n’est pas facile d’être à la fois fier et désespéré ; mais tu as bien dû avoir le temps de voir tout ça. C’est même pour ça que ta lettre a été difficile à écrire: savais-tu que plus de soixante ans après, on la lirait encore ?
Sans doute pas. Je sais bien : tu as écrit ça pour elle, et notre lecture est un peu une indiscrétion. Devant ta tombe déjà creusée, que tu as vue bien en face, tu as pu écrire. Ça va t’étonner, parce que tu ne l’imaginais pas à ce moment-là, mais ça m’épate. Je sais bien que tu as mis tes dernières pensées, que tu as figé dans ces mots tes amours de jeune homme, qui sont bien celles de ta mère, de tes frères et de ton père. Et puis une petite, pour qui tu avais le béguin, comme on disait, et même un peu plus : c’est sans doute à ce moment que tu l’as su vraiment.
Tu commençais juste à être un homme. Je veux dire, dans le corps, dans les reins. Mais dans ta tête, mon cochon, c’était bien là ! Tu as été plus homme dans ta tête que beaucoup des soldats allemands qui t’ont envoyé ad patres ; tu as sûrement compris leur ignorance, leur naïveté même : ils n’étaient qu’un accessoire du fusil.
Tu vois, je crois que si tu as pu penser ça, c’est parce que tu étais communiste. Je vais te décevoir : je ne le suis pas. Depuis que tu es parti, on a vu que beaucoup de gens et de choses qui se réclamaient du communisme n’étaient ni sincères, ni bons pour le peuple ; je n’ai pas le moyen de savoir si tu le sais. Mais j’ai, pour ma part, vu et vécu ce que pouvait être cet idéal : une générosité, une entr’aide qui ne connaissait que la nécessité évidente de la complicité et de la fraternité. Bien sûr, pour toi, c’était naturel de s’aider entre travailleurs ; pas toujours contre quelque chose, contre les patrons et le fascisme, mais aussi pour le plaisir et le bonheur de partager, un bon repas ou la joie d’une naissance.
Mais je te rassure : comme disait ma grand-mère Lucienne (toujours dans mon cœur), je suis pour l’ouvrier. Ce n’est plus très à la mode, et on dit même que les ouvriers n’existent plus. C’est peut-être bien vrai, mais la pauvreté, l’exploitation et le malheur sont toujours là, tu sais. Moins en France et en Europe, mais dans le monde… Il reste beaucoup à faire.
Il se trouve que j’ai eu une grand-tante, Suzanne Levasseur née Baudoin, de Montreuil, peu s’en souviennent encore, ouvrière, communiste et résistante, qui allait sur sa bicyclette livrer messages et armes à la Résistance jusqu’à des cent kilomètres de Paris, la peur au ventre et le devoir au cœur. En 1941, elle avait trente-huit ans ; elle était jolie. Tu l’as peut-être vue, au hasard de rencontres dangereuses entre copains ; je me plais à l’imaginer. C’était une merveille de femme, comme tu en as connu d’autres : le cœur sur la main, la chanson aux lèvres et tout pour les copains. Les grands hommes et les grandes femmes se révèlent dans le danger et la douleur. Permets-moi de rendre hommage à sa formidable modestie : salut Suzon !
Je sais bien que tu n’as pas pensé que ta mort puisse beaucoup faire avancer les choses : tu t’es fait prendre et tu as payé le prix de la liberté. Mais je vais t’étonner : des rues portent ton nom, des enfants dans les écoles apprennent ton histoire et savent ainsi que la liberté de penser et d’agir s’acquiert durement, et se maintient grâce à une grande vigilance des citoyens, que la propagande des plus riches ne doit pas endormir.
Oui, tu as vu : maintenant cette propagande se sert de ton histoire pour des buts politiques, prétendûment patriotiques et même sportifs. On veut confondre Histoire et communication, sport-oseille et héros… Pardon, je ne voulais pas le dire. Je sais, tu n’es pas un héros, juste un garçon bien. Merci pour ça, déjà.
Nous sommes à une époque où lorsqu’on parle de grandeur, on met beaucoup de petitesse.
Salut, Guy.

Philippe Renève

jeudi 19 juillet 2007

Maudit 14 juillet

Quand la famille compte un petit garçon de trois ans fatigué par une récente maladie, les inévitables réjouissances de la fête nationale ne sont pas toujours empreintes d’un franc enthousiasme. Voici la transcription textuelle des réactions à chaud d’un papa un peu agacé au soir du 13 juillet, envoyant des courriels à un ami ; seuls les noms propres ont été modifiés.


21H21. « Maudit vendredi 13 »


La soirée s'annonce longue et bruyante: nous sommes à un jet de pierre d'un grand parc où va être tiré ce soir un feu d'artifice, avec force sono tonitruante diffusant une bouillie ringarde à mi-chemin entre musique d'ascenseur et péplum de série B. S'y ajoutent les pétards de quelques débiles profonds dont le seul plaisir est de faire le plus de foin possible au moindre coût, avant de regagner l'asile. Quel bonheur !

C'est la troisième année que nous habitons la maison et que nous subissons cette ignominie, insulte au silence et au bon goût, qui doit réjouir quelques gamins morveux et quelques vieillards caducs, tout en empoisonnant la vie et le sommeil de tous les autres Trophimois. La mairie a encore trouvé un moyen de dépenser les impôts locaux en ajoutant à la douleur de leur perception !

De plus, nous tremblons que les pétards et fusées ne réveillent notre garçon, qui est encore bien pâlichon et grognon.

Aussi me défoulé-je en vous racontant ce mauvais moment à passer. Brassens chantait "La musique qui marche au pas, / Cela ne me regarde pas". Nous pourrions chanter " Et la soirée patriotique, / Ça me rend vraiment hystérique." !

Et voici, comme le maudit an dernier, un groupe de rock-beaujolais dont la prestation, qui fait pleurer les jeunes de rire, a l'avantage de libérer l'estomac de tout embarras futur tant sa musique est puissamment nauséeuse; une sorte de karaoké de démutisés, qui exaspère même les chauve-souris du coin.

Je continuerai mon reportage si les événements l'imposent; je me sens l'âme d'un correspondant de guerre. Il faut tenir...

21H45. « Nous reprenons la suite de notre reportage live »
Bonne nouvelle, cher ami : voici vraiment le groupe rock-saucisson à l'ail. Mais la sono cette année ne fournit que 120 dB environ, ce qui suffira certes à assourdir durablement les bambins jouant à la rave, mais épargnera à peu près nos tympans et notre sens musical.

A condition de tout verrouiller - ce qui est d'un délicieux agrément alors que la journée a enfin été tiède - nos nerfs ne seront pas aussi éprouvés que l'an dernier; mais le feu d'artifice reste à venir...

22H28. « Ça s'arrange pas »
21h56. Ah non, pitié! Ils torturent, dans des cris affreux, un vieux Tina Turner ("Proud Mary" je crois) qui ne se donne même plus dans les maisons de retraite, avec l'accent anglais de Chirac. Dieu ait pitié de nous.

22h06. J'ai fermé la dernière fenêtre ouverte ici, à l'étage, où je survis avec mon ordinateur, dans la chaleur mais un bruit supportable. Dieu nous garde.

22 h15. Balavoine, "Je ne suis pas un héros". Je croyais la partition perdue depuis des siècles. Pas de chance.

22H47. « C'est guère mieux »
22h35. Goldman, "quand la musique est bonne". Sont gonflés, de parler de bonne musique, ces mauvais.

Il faut que je vous explique : Saint Trophime est un village « résidentiel », où s’accumulent en strates géologiques des générations de bourgeois aisés, commerçants, médecins, architectes et tutti quanti, tous assortis de femmes hautaines comme des paonnes et roulant en 4X4 en téléphonant avec des Nokia presque neufs.

La mairie, tout acquise à cet électorat actif surtout dans le passéisme, fait un effort une fois par an pour les "jeunes", que le reste de l'année elle ignore avec la superbe des vieux célibataires, en organisant ces festivités. Le résultat d'une telle entreprise ne pouvait qu'être un machin braillard et plouc; c'est encore pire.

Vivement que le garçon soit assez grand pour aller voir le feu d'artifice. Au moins, on aura l'image.

22H55. « Ça pourrait s'améliorer »
Enfer et damnation ! Voilà le feu d'artifice, rehaussé d'accords monstrueusement discordants du groupe "Nanard et les joyeux Trophimois".

Pourquoi donc les artificiers croient-ils dur comme fer que leur art doit faire le plus de bruit possible ? C'est l'image qui compte, non ?

Mais c'est vrai que, quand le garnement sera grand, on sera aux premières loges. Le spectacle pyromachin a l'air pas mal ; le village résidentiel se doit de n'y être pas trop chiche: il se voit des villages plus modestes!

23H05. « Eh bien ça continue »
Bien sûr, comme tous les feux d'artifice, il n'en finit pas : tu crois en finir avec le torticolis et les oreilles qui sifflent, penses-tu! Et paf et boum et des trucs, certes esthétiques, qu'on a vus cent mille fois, en mieux, en plus court, et même en plus jeune !

Ces artificiers ne peuvent s'empêcher de glisser des simples pétards, d'une redoutable efficacité sonore, dans leur spectacle, au milieu des corolles les plus subtiles. Comme s'il fallait - la maison en tremble - impressionner le populo et le maire par des bruits de canon.

Et comme pollution, je vous dis pas ! Un épais nuage de fumée de poudre à canon, c'est bon pour les bronches, ça. Ça va faire un peu de place dans les maisons de retraite de la ville, je pense.

Je vous demande une minute, que je voie ma taxe foncière partir en étoiles dans le ciel.

Ah ben voilà, c'est fini. Je me disais aussi que c'était vraiment beau, ça. Si, sans blague, des grandes fleurs dorées, de la gueule, quoi. Et le bouquet était joli.

23H52. « Ça persiste »
A ma surprise, les pétards ne sont pas légion: les gamins sont assourdis par le feu d'artifice et n’ont aucun intérêt à user leurs munitions dans des explosions qu'ils n'entendent pas. Le groupe "Gérard et les ringardos" en est à des trucs antédiluviens de Gold, ou quelque chose comme ça; on a dû les sortir de la naphtaline, ces gars-là.

On n'aurait pas pu prendre la Bastille un 14 décembre, où il fait nuit à 18h ?

Mon Dieu, "la Dame de Hotte Savoie". Les maisons de retraite vacillent sous les étranglements de rires navrés; encore de la mortalité sénile, ça.

00H07. « Ça va pas fort »

Ah ben, Hotel California : en arrière toute !

On a eu aussi Gimme a man d'Abba; valait le détour - pour l'éviter.

Quelle programmation moderne, on dirait le Whisky à Gogo de la rue de Seine quand j'y traînais dans les seventies, dis donc! Ils sont bien, les rockeurs du coin; il faudrait les coucher à cette heure, ils vont s'endormir sur la batterie.

Le silence est revenu ; à l’année prochaine !

Enfin une explication scientifique à la vie quotidienne

Le texte exact s’en était perdu. Il était connu qu’un mathématicien français du début du XXème siècle, presque inconnu, avait élaboré, sous forme d’un théorème de probabilités, une explication à certains phénomènes étranges survenant dans l’enchaînement des causes et des effets, qui perturbent sérieusement la théorie classique de la causalité. Cette découverte, d’une importance qui n’échappera à aucun scientifique, représente une véritable révolution épistémologique : c’est l’ensemble du paradigme de la causalité universelle qui pourrait en être remis en cause.



Deux chercheurs de l’université du Devonshire, Mary L. Trout et Alan W. Shark, ont découvert à la bibliothèque de Pike Street à Londres le texte original [1] d’un théorème bien connu des mathématiciens, mais dont la rédaction initiale était incertaine.

Nous transcrivons ci-dessous, avec l’accord des auteurs [2], le texte intégral de leur publication. Le lecteur, même non averti de ces questions, verra ainsi l’importance capitale de cette découverte.


Loi de la variabilité sélective des probabilités

Enoncé
Soit un système S formé de P processus liés, où il peut se produire n événements défavorables E1, E2, …, Ei,…, En de probabilités p1, p2, …, pi, …, pn, toutes inférieures à ½, la moitié au moins étant voisines de zéro. Si un seul des événements se produit, les probabilités des autres deviennent supérieures ou égales à 1 – pi4 .

Un énoncé littéraire quelque peu simplificateur est formulé par l’auteur lui-même : dans un système formé de processus liés, si une défaillance hautement improbable survient dans l’un d’entre eux, la probabilité de défaillance des autres devient proche de 1.

Commentaire
1 – Un manuscrit anonyme français du XIIIème siècle, traduction d’une œuvre du philosophe grec Pyrrhon (né vers 360 avant J.-C.), mentionne l’aphorisme « onc malheur ne poinct seul. » Les exégètes s’accordent en général pour estimer que cette phrase est à l’origine des réflexions scientifiques sur le sujet.

2 – Selon certaines exégèses théologiques et graphologiques, Pascal aurait eu l’intuition de cette loi durant son illumination mystique de la nuit du 23 novembre 1654 ; ce point reste controversé.

3 – Einstein a pressenti la loi en 1912, après avoir vainement tenté de la réfuter, ses conséquences lui posant de nombreux problèmes pour l’établissement de la théorie de la relativité géneralisée. Il est à l’origine de l’exemple de la chute de la tartine beurrée : si l’événement « tomber » survient (faible probabilité), l’événement « arriver sur le côté beurré », de probabilité originelle légèrement inférieure à ½, , prend une probabilité supérieure à 0,9375.

4 – L’auteur du théorème, Aimé de la Botte de Lix (1857-1936), professeur à l’Ecole Polytechnique de Paris, a rédigé cette formulation définitive dans un document manuscrit daté du 1er avril 1923.

5 – De nos jours, la loi est parfois nommée « loi de l’emmerdement maximum. »


[1] Mary L . Trout & Alan W. Shark, « The theorem of selective variation of probabilities » , {Science} Vol. XXII N° 1538 p. 269.

[2] Lettre du 1.04.2007 en la possession de l’auteur de cet article.

dimanche 1 juillet 2007

Nicolas Sarkozy et les missions MOAR

Charlemagne avait ses missi dominici ; Nicolas Sarkozy a ses missions MOAR : Mission Os A Ronger. Là où l’empereur envoyait des hommes de confiance représenter le pouvoir central naissant pour le plus grand bien du peuple, M. Sarkozy mobilise des hommes à des tâches d’études variées pour la plus grande satisfaction des intéressés – c’est le mot juste – et donc la sienne.

Ces délicats ossements sont assortis de jolis morceaux de viande qui complètent excellemment le plaisir  : viande savoureuse des honneurs, délicieuse de la célébrité, succulente du personnel à disposition, délectable des collaborateurs zélés et bûcheurs à votre place, exquise de la (petite) postérité ainsi acquise.

Les honneurs sont légion

En effet, quoi de plus plaisant qu’un statut et une position de « missionné », qui apportent l’aura d’une onction présidentielle, fût-elle extrême dans son parti s’il est d’opposition, et l’importance, morale et mondaine, que confère l’accomplissement d’une tâche noble puisque officielle ? Ainsi, dans les dîners en ville, avez-vous quelque chance d’être placé à table avec un rang équivalant à un ambassadeur, certes dans un petit pays, mais qui peut vous permettre de côtoyer à moins de trois people des êtres aussi exceptionnels que Philippe Sollers ou André Glücksmann, voire Frank Michael soi-même.

Dans ces mondanités, l’heureux homme – à l’heure où nous mettons sous presse, il n’y a pas d’heureuse femme – se verra également présenté à tout ce qui compte de gens importants dans notre monde moderne : capitaines d’industrie du luxe ou du bâtiment, écrivains journalistes (un cheval journaliste, une alouette écrivain), sportifs griffés Adidas® ou Nike®, académiciens biscornus, baronnes sachant vivre, comédiens refoulés des plateaux, chanteurs unplugged, présentateurs de 20h et de compliments, et autres personnes méritantes.

La tâche confiée, souvent à grand renfort astucieux de tambours médiatiques et de trompettes audiovisuelles, va en outre procurer à son titulaire un surcroît, ou un regain, de célébrité nationale, voire mondiale. Et les interviews de se succéder, les journalistes de se presser pour tendre un micro suppliant à notre chargé (de mission). L’intérêt ? Mais voyons, flatter. Satisfaire quelque ego flétrissant, des ambitions un peu en panne, ne manque pas d’attirer vers le commanditaire, sinon la reconnaissance, du moins la neutralité bienveillante : simple question de politesse, on ne mord pas (ou plus) la main qui vous a nourri.

La solitude, ça n’existe pas

L’ampleur du champ de certaines missions peut effrayer le citoyen ; pas le moariste, qui va disposer, comme il a été prévu dans la définition de la chose, d’un certain nombre de collaborateurs et de moyens d’investigation.

En premier lieu, un petit cabinet, formé d’un attaché de presse porte-parole et d’un secrétariat, donc des locaux pour les abriter, et une voiture avec chauffeur et cocarde. Ensuite, un certain nombre de collaborateurs spécialistes du domaine, par exemple policiers, travailleurs sociaux, magistrats, juristes, économistes, qui seront mis à disposition du moariste, à sa demande, pour le temps nécessaire à l’étude.

Il est de première importance de procéder avec le plus grand soin à la désignation de ces personnes, qui, bien choisies, peuvent abattre tout le boulot à votre place, des premiers pas à la rédaction du rapport. A contrario, un choix hâtif peut amener des traîneurs de pieds, poseurs de chausse-trapes et scieurs d’embûches qui risquent d’empoisonner une atmosphère qui devrait n’être que studieuse.

Avec un peu de détermination dans la demande, voire d’audace dans l’exigence, il est même possible de se faire affecter, eu égard à l’exposition publique, quelque officier de sécurité ou garde rapprochée, convenablement musclée et oreillettée, dont la seule présence confère au moariste cette importance physique qui impressionne favorablement le commun des mortels en lui rappelant que lui doit bien se débrouiller tout seul à minuit dans le RER B.

Tout cela donne inévitablement à notre homme une stature dont se repaissent les âmes attentives à la considération ; tel est bien le but du jeu.

Les risques du métier

Mais, me direz-vous, que de risques d’erreurs d’appréciation, de diagnostics hasardeux, de préconisations irréalistes le missionné va-t-il devoir prendre : qu’adviendra-t-il de la belle aventure si le rapport et ses conclusions apparaissent inutiles, ou à l’inverse, exagérément innovateurs, voire intégralement hors du sujet ? Ce sont là craintes injustifiées : à l’issue de son intéressant CDD, notre homme remettra solennellement son rapport à M. Sarkozy lors d’une jolie cérémonie à l’Elysée, où s’échangeront des paroles d’une exquise courtoisie et d’une élégante insignifiance.

La presse, dûment convoquée pour l’événement, en rendra compte avec le sérieux qui s’applique aux grandes réalisations de l’humanité, à la douillette satisfaction des participants, des journalistes et du public. Après quoi chacun s’en ira de son côté, qui présider, qui cultiver son jardin retrouvé, le mémoire étant par ailleurs jugé fort utile dans la tâche parfois ardue de stabiliser des meubles de bureau sur les sols classés mais inégaux d’un ministère parisien. Tant il est vrai que, comme en sport, l’essentiel est de participer à l’élaboration studieuse de l’étude, dont toute la valeur ne vient que du labeur supposé qu’il contient, et dont le nombre élevé d’appels de notes, d’annexes statistiques et de pages témoigne avec le plus grand réalisme.

Seuls, sans doute, quelques medias peu citoyens, paraissant sur papier le mercredi, railleront une prétendue légèreté de l’œuvre, qui croît souvent en raison inverse de la suffisance du signataire ; mais les honnêtes gens, craignant Dieu et croyant M. Sarkozy, se gardent de lectures aussi inciviques.

Plus d’appelés chez les élus

Le grand problème est que le nombre des missions possibles semble a priori très inférieur à celui des personnalités que Nicolas Sarkozy aimerait récompenser et (ou) neutraliser, lui-même très inférieur à celui des postulants.
Suggérons donc, très modestement, quelques pistes de réflexion pour en élargir la pratique. Ainsi pourraient être créées plusieurs missions d’évaluation des missions, une sur les résultats obtenus, une sur l’adéquation des résultats aux objectifs fixés (ce qui donnera à quelques folliculaires la benoîte satisfaction de reparler de « feuille de route »), une sur les dépenses des missionnés et leurs écarts par rapport aux budgets fixés, une autre synthétisant l’ensemble de celles-ci, etc.
Dans cette inventivité, faisons confiance, comme ailleurs, à notre Polyprésident : pour lui, pas de Mission Impossible.

lundi 1 janvier 2007

Aquarelles de J. Landwehr

Photos de deux pages du tome II de son livre "Les orchidées sauvages de France et d'Europe" (Piantanida, Lausanne, 1983).




Photos Philippe Renève. Mis en ligne le 30.12.2012.